Pour moi, l’idée d’un anniversaire est de garder une trace. J’ai proposé à Chiara Parisi un “film dansé” qui revisiterait des lieux de mémoire de la région: la cathédrale de Metz vieille de 800 ans, les Hauts-Fourneaux d’Uckange comme haut lieu de l’histoire sidérurgique, le Fort de Saint-Quentin traversé par la guerre, les Mines de Wendel dont l’histoire est liée à la première vague d’immigration nord-africaine, aujourd’hui réaménagées comme un espace muséal. 

Je voulais relier ces points du passé et les faire résonner avec l’architecture du Centre Pompidou- Metz qui interroge la mémoire au présent et au futur. Je travaille actuellement sur l’apparition et le développement d’une pensée et d’une danse marronne. Historiquement, le « marronnage » désignait la fuite des esclavisés africains hors des plantations dans le but de recréer des sociétés nouvelles et libres. Par la suite, cette notion a été étendue aux arts par des écrivains comme Dénètem Touam Bona. Il s’agit de détourner un système contraint pour reconquérir un espace de liberté : «À l’origine, tout rythme est rythme d’une course: martèlement des pieds sur le sol, martèlement du cœur sous la poitrine, martèlement des mains sur la peau tendue. Propulseur de rêves, le phrasé rythmique opère des distorsions à même les corps et l’espace-temps. » 

Les notions de fugue et de parcours sont centrales dans ma réflexion artistique. Je voulais que les interprètes dansent et dialoguent avec ces lieux de pierre et de verre, de béton et de rouille, pour en révéler les zones de tension. Leurs danses sont toutes nées dans des contextes politiques et sociaux différents. Chacune d’entre elles est porteuse d’une histoire et d’une contre-culture.